L’impact des énergies renouvelables sur le réseau

L’arrivée massive des énergies renouvelables afin de tenir les engagements de réduction des émissions de CO2 d’ici 2050, n’est pas sans impact sur la structure et la gestion des réseaux électriques locaux et nationaux.  Pour tenir ces engagements et de permettre de décarboner les transports et l’habitat, tout en supprimant le nucléaire, il sera nécessaire de disposer environ de 50GW de solaire et environ 1500 éoliennes en plus d’ici 2050 sur le territoire Suisse.

Les changements sont importants avec une décentralisation de la production d’un coté et des besoins de stockage de l’autre.

Le stockage

Les avantages et inconvénients des énergies renouvelables sont leur complémentarité et leur intermittence. Le solaire ne produit que de jour et massivement en été, l’éolien de manière aléatoire en fonction du vent, mais par contre quasiment équilibré entre le jour et la nuit et bien plus massivement en hiver qu’en été.

Les besoins sont donc de pouvoir disposer de stockage journalier et saisonnier afin de lisser au maximum ces productions.

Ces besoins doivent aussi être surdimensionnés en Suisse, pour servir aussi de stockage pour nos voisins européens, car nous disposons de plus de montagnes et que cela nous permettrait de garder à la foi une meilleure indépendance énergétique et un poids majeur dans les discussions avec nos partenaires européens, à l’heure ou cela ne nous est plus “garanti” par des accords cadres. Notre situation unique de potentiel de stockage et de transit doit devenir notre force dans les négociations avec nos voisins, y compris dans celui de la garantie de délivrabilité et de négociation des prix pour les périodes ou nous devront continuer d’importer et de faire transiter de l’électricité.

L’impact de dimensionnement

Avant nous avions une distribution depuis les grosses centrales vers les consommateurs et donc un canal à sens unique allant des plus hautes tensions vers des tensions finales plus basses et relativement peu ou pas d’impact des consommations sur l’équilibre du réseau. Il suffisait que les transformateurs et câbles soient dimensionnés pour les pic de consommation finaux.

La situation s’inverse avec des productions décentralisées qui peuvent nécessiter le renforcement des transformateurs et des capacités des derniers kilomètres. Il deviens de plus en plus fréquent  de trouver des sites d’installation solaire au potentiels intéressants, mais dont l’introduction du bâtiment, ou le transformateur de quartier, est beaucoup trop faible, en particulier dans le bâti agricole.

Les réseaux de transport très haute tension ne sont pas épargnés par cette tendance, et il a déjà été nécessaire plusieurs foi ces dernières années , de mettre à l’arrêt de grands parcs éoliens dans le nord de l’Europe, simplement parce que les lignes de transport nord-sud Allemandes étaient saturées, et alors que la demande était pourtant forte dans le sud de l’Europe, en Italie en particulier. Notons au passage que cela a donc un impact sur la suisse puisse que cette énergie aurait du transiter par la Suisse, voire être temporairement stockée en Suisse, générant des revenus potentiels pour notre pays.

L’impact sur la stabilité

Le réseau électrique doit être équilibré en tension et en fréquence et à la milliseconde partout sur le réseau. A part quelques consommateurs particuliers, jusque là peu de consommateurs pouvaient avoir un impact significatif sur cet aspect et les gros alternateurs des centrales hydrauliques ou thermiques permettaient de réguler le réseau. Avec l’arrivée massive des renouvelables et en particulier du solaire, commencent à apparaitre des situations, par exemple en plein été, ou une production solaire trop importante par rapport à la demande instantanée, tend à faire monter la tension du réseau.

La production massive d’énergie qui n’est pas synchrone avec la demande, pose le défi de la régulation du réseau.  Pour palier à cela il y a clairement deux actions possibles, la première réduire la production, la deuxième augmenter la consommation.

Réduire la production lors de périodes ou par exemple le solaire est trop important par rapport à la demande, est une chose assez simple et peu s’appliquer soit à la source qui produit trop, soit à d’autre sources plus simple à réduire à cet instant.  Si l’on reprend le cas du solaire en plein mois d’aout à midi, il est possible de déconnecter à distance des onduleurs solaires pour faire baisser la production par écrêtage ( Peak Shaving ), mais alors cette énergie est perdue. Par contre il est possible de laisser cette production solaire injectée sur le réseau, mais de réduire le turbinage des grands barrages à leur minimum à ce moment là, ce qui a cette foi l’avantage de na pas avoir perdu une capacité de production et de conserver des réserves turbinables plus tard dans l’hiver suivant. En pratique cela est limité par exemple par le débit minimum à garantir dans les rivières afin de préserver la faune piscicole, mais aussi de par la fonction stabilisatrice en fréquence des gros alternateurs des centrales.

Augmenter la consommation tourne autour de 2 axes, le premier est le stockage temporaire de l’énergie par du pompage turbinage, du stockage thermique ou la fabrication de syngaz. Ces consommations peuvent être mise en route lors des périodes de trop forte production afin de “consommer” cette énergie en la stockant. Notons que pour rentabiliser ces infrastructures il faut une utilisation suffisante dans l’année.

Le deuxième axe pour augmenter les consommations dans les périodes de forte production des renouvelables, consiste à simplement piloter certaines consommations pour les faire coïncider avec les périodes de forte production. Le pilotage à distance des chauffe-eaux sanitaires, des recharges de véhicules électriques,.. autant d’éléments qui permettent d’éviter du Peak Shaving et de stocker aussi partiellement de l’énergie. Dans le cas des recharges de véhicules électriques, il devra donc être massivement développé les capacités de recharge sur les lieux de travail, c’est à dire en journée lorsque le solaire produit, et ces même véhicules pourront alors même restituer une partie de cette énergie en soirée une foi branché à nouveau au domicile ( V2G ) lors des périodes les plus sensibles de 18h à 22h.

Enfin il est possible par le développement d’un réseau piloté en fonction de l’offre et de la demande ( Smart Grid) de réguler le réseau en adaptant certaines consommations en fonction de la charge de ce dernier. Il est possible dans de nombreuses activités de déplacer des consommations de quelques heures de manière pilotée par l’opérateur en fonction des besoins. Cela permet à l’opérateur de lisser la demande de ses clients en fonction de l’énergie disponible à certaines heures et au clients de bénéficier en échange d’un tarif préférentiel sur sa consommation.

Les solutions

La solution pour la Suisse consiste à développer encore son potentiel hydro, mais surtout à construire plusieurs centrales de pompage turbinage supplémentaire d’ici 2025. La première raison est que la quantité d’énergie produite par les grands barrages ne va pas augmenter dans le futur, surtout à cause de la fonte des glaciers, la deuxième raison étant d’augmenter très fortement nos capacités de stockage journalier pour permettre de restituer le solaire produit les nuits suivantes.

Nant de Drance

Nand de Drance – crédits REUTERS/Denis Balibouse

L’avantage de la solution de pompage turbinage est d’être le meilleur élément de régulation et de stockage court terme, car le seul élément capable de passer de 100% à -100% de puissance sur le réseau en moins de 5 minutes  et avec un rendement de 80% !

Mes estimations pour éviter trop de Peak Shaving en été, serait de disposer de 5 centrales de plus de type Nant de Drance d’ici 2050 et si possible d’étudier des centrales hybrides capables de travailler en pompage turbinage et de remonter de l’eau dans les grands barrages existants lorsque leurs bassins tampons sont déjà pleins. Ce dimensionnement tiens compte aussi du besoin de nos voisins en stockage et pas seulement de l’équilibre production / consommation interne de la Suisse, Cette capacité de stockage court terme nécessaire représente environ 100 millions de kWh et 5 GW de puissance instantanée.

Le développement du smart grid et du V2G sont très importants. Les opérateurs de réseau (GRD) ne semblent pas pressés de développer des solutions et services de V2G pour leurs clients, mais à leur décharge, les normes techniques encadrant ces solutions et matériels ne sont pas encore complètement finalisées. Soyons sûre que lorsque les véhicules électriques seront majoritairement compatibles et les besoins de stockage journalier des GRD plus élevés, des solutions et services seront proposés rapidement.
L’ordre de grandeur d’ici 2050 avec un parc auto de 500’000 voitures connectées et mettant à disposition 1/4 de sa capacité chaque jour, donne une capacité de stockage pour le réseau de 10 millions de kWh.

Conclusion

On vois que l’arrivée massive des énergies renouvelable est un défi pour les gestionnaires de réseaux, mais que ce dernier est totalement supportable et passe principalement par le développement de capacités de stockage journalier et saisonnier, mais aussi par le développement de solutions de pilotage des productions et des consommations.

Références:

Echelles de la production d’électricité: quel potentiel pour la décentralisation ? (romande-energie.ch)
Loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables (admin.ch)
Les énergies renouvelables et la stabilité du réseau (romande-energie.ch)
Quel réseau électrique pour l’avenir? | AES (strom.ch)
MFE v 16 08 2008 2.docx (ulb.ac.be)
SDDR 2019 Chapitre 03 – Les adaptations.pdf (rte-france.com)